Pour qu’il y ait la paix, l’Etat doit reconnaître sa responsabilité dans la violation des droits humains

«Le 23 Février, 2014 dans la municipalité de San Pablo (Bolivar), un homme a été abattu par des membres de la Fuerza de Tarea Conjunta Marte, une unité des Forces Armés de l´État colombien. Le décès a été signalé comme de l’auto-défense, l’homme prétendument appartenant á la guérilla aurait tiré sur les soldats. Des rapports médico-légaux suggèrent que l’homme n´a pas tiré avec un pistolet».

La situation, qui fait partie des milliers d’allégations à l’État colombien pour les cas d’exécutions extrajudiciaires a été mentionné dans le rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les droits humains en Colombie (ACNUDH par ses sigles en espagnol), déposée le 19 Mars, 2015 à Medellin.

Selon le rapport, les exécutions extrajudiciaires ont causé environ 5.000 victimes dans le pays, principalement entre 2002 et 2010-pendant le gouvernement d’Alvaro Uribe Velez, période durant laquelle il est arrivé le plus grand nombre de cas. La façon dont ces exécutions se sont produites, indiquent que ces violations peuvent être considérées systématiques, signale le rapport de l´ACNUDH.

Dans ce contexte, ont peut déduire que l’un des plus grands défis pour le post-conflit et la consolidation de la paix dans le pays sera clarifier la participation de l’Etat dans les cas de violations des droits humains et du droit international humanitaire, et encore plus difficile faire que l´État soit en mesure de reconnaître sa responsabilité et de contribuer à la réparation des victimes dans la vérité,  la justice et les garanties de non-répétition.

Mais l’État ne semble pas marcher sur cette ligne. En Septembre 2014, la Direction de Droits Humains et du Droit Humanitaire International affecté au Bureau du Procureur Général de la Nation avait ouvert 2234 enquêtes pour homicide  aggravé ou homicide des personnes protégées, contre 5014 membres des Forces Armées. Parmi tous ces cas seulement 796 membres de l’armée ont été poursuivi avec succès, la plupart des enquêtes restent à un stade précoce et les procès pénal ont porté principalement sur les officiers et soldats de rang inférieur. [I]

Pendant ce temps, dans les deux dernières années, le Ministère de la Défense a présenté cinq projets pour étendre la juridiction pénale militaire, lesquels ont été approuvés au milieu de vives critiques de la part des organisations de Droits Humains. Ces organisations considèrent que ce mécanisme pourrait approfondir l’impunité des Forces Armées. [II]

Aux initiatives du Ministère, se sont ajoutées d´autres propositions dans le même sens d´élargir la juridiction pénale militaire, présentés par le parti de droite Centre Démocratique. Parmi les sept propositions, deux ont été refusés et cinq sont en train de se débattre.

Ce qui est inquiétant, avertit le rapport du Haut- Commissaire des Nations Unies, c ´est que «les projets discutés essayent d’étendre la juridiction militaire aux enquêtes, sur les violations des droits humains et du droit international humanitaire, qui sont déjà sous enquête par les tribunaux ordinaires». Donc, il semble que l’Etat a peu d´intention d’engager leurs Forces Armées dans les processus de vérité,  justice et réparation.

Ces signaux sont négatifs, si l’on tient compte du fait que le pays est au milieu d’un processus de paix et de post-conflit-et éventuellement de réconciliation-; que les exécutions extrajudiciaires sont a peine quelques-unes des violations commises par les Forces Armées; et que plusieurs secteurs ou agents de l’Etat ont été inculpés pour leur participation présumée dans l’établissement et la consolidation du paramilitarisme ou pour commettre des crimes tels que l’interception illégale des défenseurs des droits humains, des journalistes, des opposants politiques et des représentants du gouvernement, sans pour autant qu’il y ait assez de vérité et de justice jusqu´au le moment; et moins encore de la réparation et des garanties de non-répétition.

Donc, il faut commencer par reconnaître qu’il y a un problème, et «que, malheureusement, pendant le conflit, ce ne sont pas seulement  les FARC qui ont violé les droits humains, -mais qu´il y avait violation massive par l’État», c´est ainsi que Todd Howland- haut-commissaire aux droits humains en Colombie,  résume la situation pendant la présentation du rapport.

En quelque façon, certains des acteurs du conflit ont reconnu leur participation dans les faits. Certains paramilitaires lors du processus Justice et Paix  ont livré doses de vérité, ont reconnu leurs responsabilités dans la perpétration de massacres, de disparitions et autres crimes contre l’humanité, et ont dénoncé la collaboration des responsables gouvernementaux et des chefs d’entreprise; cependant, ces annonces n’ont pas été entièrement pris par le procureur dans le processus d’enquête et donc des structures de pouvoir qui ont ordonné ces crimes et qui en ont bénéficié de leur part, n´ont pas été poursuivies. Pour sa part, les FARC, dans le déroulement des négociations de paix avec le gouvernement colombien, ont changé leurs position initiale de nier leurs victimes au point d’admettre que ses actions ont affecté la population civile.

Mais jusqu’à présent, l’Etat semble réticent à franchir ce pas fermement, et si vraiment nous voulons  construire une paix stable et durable, il doit dire la vérité et admettre qu’il a commis des violations qui ont affecté des millions de personnes. Sinon, des réparations pour les victimes et la société en général seront incomplètes, et le pays risque de continuer la répétition de  l’histoire de violence qui a plus de 50 ans.


[I] Le rapport du HCDH-Colombie indique que sur les 796 membres de l’armée poursuivis pour faux positifs, 103 sont des officiers (dont 6 colonels), 123 sous-officiers, 566 soldats et 4sans rangs enregistrés.

[II] «mécanismes de l’Organisation des Nations Unies et du système interaméricain des droits humains ont signalé à plusieurs reprises que ces projets contiennent des dispositions qui vont à l’encontre des obligations internationales de la Colombie et ignorent les limites définies au niveau national et international en ce qui concerne la compétence des tribunaux militaires».
Rapport du Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme sur la situation des droits humains en Colombie 23 Janvier 2015,  p.15.