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Ce domaine où des mines salissent l’eau

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Traduit et corrigé par: François Lucas et Maria Alzate 

(Chapitre III)

·         Les noms ont été changés ou omis pour la sécurité des sources

Quand je regarde le bec étroit, je pense que le bateau est trop gros pour passer. Nous sommes dans une sorte de lagune et nous devons aller par un affluent étroit d’eau trouble, envahie par de mauvaises herbes, de sable et des troncs d’arbres. Un des voyageurs assure que le ruisseau était limpide, riche en poissons et entièrement navigable. Mais aujourd’hui, le batelier doit manœuvrer pour éviter d’échouer ou de renverser le bateau. L’exploitation minière incontrôlée, disent-ils, est la mort lente de La Trinidad.

Le ruisseau la Trinidad se jette dans la rivière Nechi dans la ville du même nom dans le Bajo Cauca d’Antioquia. Le long de ses rives, il y a 10 villages principalement engagés dans l’agriculture, l’élevage et la pêche. Les mines, si développées dans d’autres zones de la municipalité ne l’étaient dans ce secteur. Au cours des dernières années, cette activité a pris de l’ampleur allant de l’extraction artisanale (barequeo) à l’extraction avec pelleteuses.

 

Soudain, comme le voyageur insiste sur le fait qu’il y a quelques années, il a rencontré un affluent propre et plein d’animaux sauvages,  un silence brusque remplit l’air et laisse tout le monde pensif. Le moteur du bateau s’est arrêté et à part les oiseaux, tout ce qui s’entend est l’eau du ruisseau qui frappe en douceur le bateau. Le bateau s’est échoué sur un banc de sable.

En utilisant une longue tige, un enfant d’à peine 11 ans, le fils de batelier, pousse le bateau à partir de la proue en s’appuyant dans le lit du ruisseau. Ainsi, il éloigne le canot de la rive tandis que le batelier démarre doucement le moteur, glissant le bateau hors du banc de sable et l’orientant vers des eaux plus profondes pour continuer le voyage.

La profondeur du cours d’eau a été perdue en raison de sédiments à expliqué le voyageur, qui se présente comme un écologiste né et élevé à Nechi. Il raconte que de la même forme il y a trois affluents qui ont des problèmes dus à l’exploitation minière.

« San Pablo, San Pedro et Corrales sont ces trois affluents et ils sont presque tous affectés par l’industrie minière. Nous avons également plusieurs milieux humides touchés. Nous avons à Corrales une très belle zone humide qui se dessèche. Par ailleurs, à Sapo nous nous inquiétons beaucoup, car il y a une mangrove spectaculaire dans ce domaine et il y a aussi de l’exploitation minière informelle. On voit que le ruisseau Ocho commence déjà à se sédimenter.

L’avenir est sombre si l’on tient compte du fait que Nechi manque de routes terrestres et que ses principales routes sont fluviales. En effet, depuis la saison des pluies de 2010, la ville a été isolée par des inondations parce que la rivière Cauca a débordé et détruit une section du barrage Colorado, inondant la route de cette ville à la ville de Caucasia.

Dans ce contexte, le fleuve devient très important comme moyen de transport et de commerce. Actuellement, pour atteindre  Nechi, il est nécessaire de voyager par bateau depuis le village de Colorado. Le bateau arrive au centre urbain de Nechi une ville aux rues étroites et poussiéreuses, pleine de magasins dans sa partie centrale.

Dans la région le transport fluvial est vital pour de nombreuses communautés, comme dans la région de La Trinidad où il y a peu de routes. Ces ruisseaux deviennent l’axe central de ceux qui habitent les rives. Ceux-ci offrant de la nourriture, du transport et de l’eau pour les besoins domestiques.

Voir une femme qui vient de laver ses vêtements, se baigner dans un méandre de la crique avec ses trois enfants, aide à comprendre la relation étroite entre les habitants et le cours d’eau. D’où le problème de l’exploitation minière incontrôlée qui est préjudiciable à tous et que des problèmes tels que l’érosion et l’inondation des terrains touchent toute la communauté.

Récemment, le  conseil d’action communautaire a dû résoudre des conflits entre les mineurs informels et les propriétaires de deux fermes. Le problème se pose parce qu’à cause de la sédimentation un ruisseau a commencé a déborder créant des  inondations en permanence sur les pâturages . Selon Jahir1, membre du conseil étant donné que le ruisseau était trop petit, il s’est noyé à cause de l’eau qu’il recevait de façon incontrôlée et cela a causé sa sédimentation.

La solution pour régler le problème était de créer un drainage et un mur de contention. Pour cela, il a fallu parler avec le propriétaire du terrain pour qu’il parle avec les mineurs informels qui étaient ses locataires. Il devait leur dire que si ces mesures n’étaient pas prises l’exploitation devrait cesser. Heureusement, les mineurs ont accepté et l’exploitation minière continue.

À Jahir le bateau l’a ramassé près d’une école, après presque une heure de route. À ce moment du parcours, commencent à disparaitre les pâturages et les prairies marécageuses qui se voyaient au début du parcours. Ici, le paysage est boisé, l’eau est claire et la température est plus fraîche parce que les arbres conservent au froid le lit du ruisseau et imprègnent l’air avec un arôme végétal.

L’école où nous attendait Jahir était construite en haut, sur un côté de La Trinité. Ce qui m’a attiré l’attention dans ce paysage est le viaduc improvisé qui a été construit pour que les enfants aillent à l’école. Il s’agit d’un tronc d’arbre en travers du ruisseau avec une corde qui sert de main courante. À la fin du « pont », debout à côté d’un arbre immense, se trouvait Jahir.

Cet homme est l’un des agriculteurs de la région qui refusent de quitter l’agriculture pour l’exploitation minière. Sa terre est petite, dit-il, parce qu’il a  «seulement un peu de pâturages pour l’élevage de vaches et il lui faut chaque année couper un hectare de forêt pour planter du manioc et du riz ». La ferme de Jahir est une ferme de subsistance qui alimente sa femme et ses six enfants.

À part de ce qu’il cultive, Jahir parfois pêche à La Trinidad. Auparavant, dit-il, la montée de poissons (subienda) était bonne et les poissons étaient grands, mais avant c’était facile, car la monté était meilleure et les poissons plus gros alors que maintenant  les poissons sont plus rares et plus petits. La rareté du poisson, dit Jahir, serait liée à l’un des problèmes majeurs de l’industrie minière, la pollution de l’eau. À La Trinité cette situation fait que l’eau devienne un danger pour les habitants de la région qui se fournissaient du ruisseau. Pour cette raison, la communauté a organisé une manifestation pour exiger la construction d’un aqueduc.

«L’eau potable avant venait du ruisseau, l’eau était très bonne, claire et suite à l’exploitation minière nous avons eu un problème parce qu’il n‘y a pas d’autres sources d’eau à proximité. Donc, les enfants à l’école n’avaient pas d’eau et comme nous n’avions pas de réponse de la municipalité, une grève étudiante s’est déclenchée, comme moyen de  pression sur l’administration », a déclaré Jahir.

L’écologiste de Nechi qui a soutenu la communauté dans ce processus, a déclaré que grâce à la mobilisation maintenant il y a « un aqueduc nourri en eau amenée de la montagne par gravité » et a dénoncé « les gens ne pouvaient pas boire l’eau du ruisseau parce qu’elle était contaminée par du cyanure ".

La contamination au mercure est un problème causé par de mauvaises pratiques d’exploitation minière. En fait, dans la plupart des régions où a lieu la pratique d’exploitation d’or, les autorités ont mis en évidence l’utilisation de cet élément. Bien que la situation n’est pas unique à La Trinidad,  toute la région du Bajo Cauca d’Antioquia est la zone de la Colombie qui affiche les plus hauts niveaux de contamination au mercure dans les rivières et les ruisseaux.2

Le plus grave est qu’une fois libéré dans l’eau, le minerai va polluer le fleuve Cauca et se propager à d’autres municipalités telles que Sucre et Bolivar, entraînant une plus grande incidence sur l’environnement. C’est ce qui arrive à la Trinidad, car selon Jahir « le problème de l’eau commence en amont du ruisseau, parce que c’est de là que commence l’exploitation minière  "

 

Pollution, un problème locale, régionale et nationale

En bateau se déplaçant sur la piste d’eau brune qu’est devenue la  rivière Trinidad, des changements intempestifs sont vus dans la couleur de la crique. Dans certains endroits, les rives se teintent presque de rouge avec les débris boueux qui descendent par le drain des mines. Les décharges sont si fréquentes que l’affluent reste toujours sale.

Jahir a rapporté que le problème a fait ses débuts à Trinidad en 1985 quand les premières mines ont été ouvertes dans le secteur. Ensuite, il fut un temps où les mines ont été arrêtées et les compagnies sont parties de la région. Après 15 ou 20 ans,  l’eau a été normalisée, mais en 2008 les compagnies minières sont retournées en grand nombre ».

Certains secteurs sont touchés par ce problème: Puerto Iguana, Isla Verde, San Mateo, San Francisco et El Cedro, l’écologiste de Nechi a signalé, en disant que cette situation persiste, grâce au manque de contrôle des autorités environnementales et à la nature errante de l’activité minière informelle.

« Les mineurs font des groupes et se promènent à travers le pays. Ils viennent ici à la recherche de nouvelles réserves, partout où ils vont ils exploitent les ressources, ils entrent et sortent et c’est un phénomène que personne ne peut contrôler (…)-les mineurs arrivent toujours à un accord avec le propriétaire de la terre, ils travaillent et ils partent. C’est alors que la surveillance de la mine par l’inspecteur devrait se faire, dit l’écologiste.

Dans un rapport sur l’exploitation minière de fait (informelle) en Colombie3, l’Ombudsman (defensoria del pueblo) estime que : «dans le cas de la Colombie, les autorités ne contrôlent pas ces activités, qui sont en dehors du cadre réglementaire,  puisqu’elles n’ont pas de capacité de vérification ou de contrôle étant donné que cela se produit normalement dans les régions éloignées et difficiles d’accès. "

Le document indique que «parmi les impacts environnementaux les plus importants causés par la petite exploitation minière on trouve la contamination par le mercure et le cyanure, la contamination due à l’élimination directe de résidus et effluents dans les rivières, les dégâts  aux fleuves et aux  zones alluviales ainsi que les rivières devenues de la boue et du sable, les dégâts de l’érosion et de la déforestation et  la destruction du paysage. "

Dans La Trinidad le contrôle environnemental est presque nul, a déclaré l’écologiste en expliquant que les mineurs jettent tous les rebus dans le ruisseau sans prendre de mesures de protectioni de l’eau.

L’inneficacité du contrôle  des autorités, l’absence de plans de gestion environnementale et de traitement des eaux usées ainsi que la forte utilisation du mercure pour récupérer de l’or ont fait des régions du nord-est et du Bajo Cauca d’Antioquia des régions considérés comme les plus polluées par mercure dans le monde. 

Dans une étude menée par les Nations Unies en 20104, "il a été établi que les niveaux de mercure dans certaines zones urbaines de Remedios, Segovia et Zaragoza peuvent devenir jusqu’à 1.000 fois plus élevées que celles acceptées par l’Organisation mondiale de la santé."5

Selon le rapport, cette contamination minérale provoque des maladies rénales dans la population et des problèmes d’attention, de la mémoire et du langage chez les enfants. Le document indique que dans Segovia seulement, se réalisent 15 greffes de rein chaque année.

Cette problèmatique a motivé en Antioquia la  mise en oeuvre du  Projet Global du mercure, par le biais d’un accord entre l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) et le ministère de l’Intérieur. Grâce a cette stratégie, en mars 2011 ont a  enregistré une réduction de 25% de la présence de ce minerai dans la région.6

Selon le rapport, la baisse a été de 11 tonnes de mercure par rapport au chiffre initial, qui se situait entre 60 et 100 tonnes de mercure utilisés annuellement dans les deux sous-régions.

Malgré les efforts déployés, la contamination par mercure continue de se propager à d’autres département disséminés dans le fleuve Cauca qui, selon des études de l’Université de Cartagena, est le cours d’eau le plus pollué en Colombie. Cela se doit au fait  qu’il  "reçoit des milliers de litres de mercure  en passant par La Mojana une région de 520 hectares à la confluence des départements de Sucre, Cordoba, Bolivar et d’Antioquia ".7

Sur cette étude, le journal el Meridiano de Sucre a déclaré: «l’exploitation minière dans le Bajo Cauca et la Mojana affecte non seulement les personnes par l’utilisation du mercure, mais aussi par l’excavation du fond de la rivière faite par les  2000 pelleteuses qui cherchent  quotidiennement de l’or qui a provoqué la sédimentation des rivières Nechi et Cauca ".8

Bien qu’il semblerait que ce problème soit  uniquement lié à l’exploitation minière incontrôlée, il est à noter que les sociétés minières enregistrées affectent également l’environnement avec leur utilisation de dragues aspiratrices. À Nechi, Mineros S.A9 aurait une incidence sur la rivière, a dit l’écologiste de cette population.

L’écologiste a indiqué que «Mineros S.A  est en train d’assécher le fleuve en aspirant, car ils aspirent aussi l’eau. Si vous partez d’ici jusqu’à El Bagre, vous vous rendez compte que la rivière Nechi perd son lit. De Vijagual vers le haut vous n’allez trouver que des îles de roches".

À Nechi, la zone minière comprend les villages Vijagual, Cargeros et La Concha , où l’écologiste affirme que la détérioration de l’environnement est grande. Dans ce secteur, est présente la société Mineros S.A. Cependant, affirme l’écologiste, la société soutient que les dommages causés à l’écosystème sont causés par des mineurs illégaux qui entrent sur leur territoire sans autorisation.

Cette position est conforme aux déclarations faites aux Magazin Dinero par l’’ingénieur en environnement  de Mineros S.A., Carlos Cardona. Il a expliqué que «Mineros S.A ne peut rien faire pour contrôler l’illégalité. L’entreprise a mis en place des protections administratives pour que l’administration municipale agisse, mais aussitôt que l’autorité fait sortir les mineurs, ils reviennent"10

À Trinidad  Mineros SA est absent , mais il commence à émerger des exploitations d’or incontrôlées, ce qui inquiète quelques habitants. Voir les drains  rougeâtres des mines déverser leurs eaux usées dans le ruisseau, suggère qu’un jour cet affluent pourrait souffrir d’une détérioration semblable à celle des fleuves  Cauca et Nechi.

Ceci, sans compter avec l’érosion des sols, la déforestation des forêts et la pollution de l’air par des particules de cyanure et de mercure. Quand cela arrive, il n’y a pas de retour en arrière, les dégâts écologiques à La Trinidad pourraient être atténués, mais jamais corrigés. Ensuite, des réserves naturelles comme le lac El Sapo et les  ruisseaux Trinidad et San Pedro11 qui sont la fierté de la municipalité en tant que site touristique deviendront à peine un souvenir.

Pour l’écologiste, une partie de la solution serait de soutenir l’agriculture, en donnant des "incitations agricoles pour que les personnes qui ont leurs terres ne les gaspillent pas dans l’exploitation minière, mais, la réalité est différente quand «l’agriculteur dispose d’un terrain et n’a pas à manger,  arrive le mineur  et dit ; je vais laver la terre et la  laisser telle qu’elle était, mais laissez-moi travailler et nous partagerons ce qu’il y aura», explique l’écologiste.

C’est ainsi, les bénéfices miniers commencent à rivaliser avec le peu de revenus que laisse l’agriculture. Ensuite, les paysans quittent leurs machettes et leurs joues pour  manier les casseroles et les pelles pour tenter leur chance.

 

Lorsque l’exploitation minière entre en concurrence avec l’agriculture

En faisant une halte dans l’un des méandres de la rivière  La Trinidad, je descends du bateau et me réfugie du soleil sous le toit de chaume d’une maison en bois. De là, je vois passer deux hommes portant des chapeaux à larges bords très éclatants. Le premier porte un sac sur son épaule, le deuxième une pelle de chargement et une casserole. Ils sont des  barequeros, ils cherchent l’or sur les rives de l’affluent ou dans les rebuts des mines; une alternative, peut-être plus rentable que l’agriculture.

Aujourd’hui, la scène des  barequeros est devenue commune sur les rives de la Trinidad. Selon Jahir, c’est parce que l’exploitation minière a généré des opportunités d’emploi dans une région où il n’y a pas grand-chose à faire. Les mines ouvrent des fronts de travail et emploient du personnel local. Beaucoup ont leurs motos et font le mototaxi, d’autres apportent directement le carburant et d’autres vont par là  barequeando (extraction d’or artisanale). Une mine sur un seul front, qui utilise deux machines, emploie environ 10 ou 12 personnes. "

Jahir dit que la région de La Trinidad a été historiquement agricole, mais essentiellement consacrée aux cultures vivrières. Comme dans d’autres villages dans le Bajo Cauca, ici on produit le riz, le maïs, le manioc et le plantain. Il y a aussi l’élevage et l’exploitation du bois. Mais pour les agriculteurs le commerce de leurs récoltes est peu rentable parce qu’il n’y a pas assez de routes..

« Il n’existe aucun moyen pour commercialiser le produit et le transport d’ici à Nechi en bateau coute 10 000 pesos , si vous avez un sac,  vous devez payer un autre 5000, et, quand on vend, c’est pratiquement cela qu’on récolte (15 mille pesos). Alors, l’agriculture n’est pas un bon marché », a déclaré Jahir.

Pour le moment, on voit une légère amélioration avec la construction d’un pont qui croise le ruisseau et relie les villages à la route principale. En outre, la région a déjà de l’électricité, un service public qui a sans aucun doute amélioré les conditions de vie de la population. Même ainsi, il  faut encore soutenir l’investissement et de l’appui technique pour que les agriculteurs trouvent dans l’agriculture une activité rentable.

« Nous nous battons pour des projets productifs ici, nous nécessitons beaucoup, nous essayons de demarrer  une ferme de porcs, des poulaillers, quelque chose qui produise, qui fournisse du travail, car une fois les mines terminées il nous reste peu, » dit le paysan.

Jahir a déjà eu l’expérience de se déplacer loin de son village pour s’aventurer à la recherche de mines, comme il dit. Il est venu à la ville de Segovia, Antioquia, dans le nord, d’où il est revenu  fatigué de voyager de mine en mine. Il  est retourné à Nechi en recherchant la stabilité de son lieu de naissance, désireux de vivre à nouveau avec sa famille, ses voisins et ses amis de toujours.

Maintenant, Jahir travaille la terre pour nourrir sa famille et travaille comme journalier dans des exploitations agricoles  pour pouvoir couvrir les dépenses de son ménage. Suite à son expérience dans le secteur minier, Jahir est conscient que l’or est une ressource non renouvelable, qui une fois épuisée oblige les mineurs à déplacer toute leur machinerie vers d’autres régions.

Jahir comprend aussi que pour les gens " il n’est pas facile d’arrêter l’exploitation minière et d’aller travailler la terre, parce que là-bas, dans la mine, comme on dit, ils voient de l’argent tous les jours, alors que dans l’agriculture ils doivent attendre entre  3 ou 6 mois pour voir de l’argent et parfois ils n’en reçoivent pas ».

Selon l’agriculteur, dans les terres agricoles de la région, le salaire mensuel est de 600 000 pesos par mois en moyenne. Malheureusement, les journaliers n’ont pas toujours de l’emploi.

 

Les mines, cependant, sont plus attrayantes pour les agriculteurs, car dans cette activité les travailleurs reçoivent des salaires de 800 000 pesos par mois avec la nourriture gratuite. Edwin  un mineur informel’a ainsi expliqué dans notre autre parution : «De l’or dans le Bajo Cauca, une somme d’intérêts et une lutte pour la légalité».

Selon Edwin, les propriétaires fonciers seraient également plus bénéficiés de l’exploitation minière que de l’agriculture, car «les gens ont des terres, mais celles-ci ne sont pas très productives. Nous arrivons avec nos petites mines et payons 10% sur le produit net vendu au propriétaire (…) si on vend 100 millions de pesos il y a 10 millions de profit pour le propriétaire de la terre ".

Cette offre si séduisante fait que dans de nombreuses régions les paysans et les propriétaires de la ferme abandonnent l’agriculture pour l’exploitation minière. Cette immigration sectorielle, dit un leader paysan du Bajo Cauca, entraine un changement dans la dynamique de la famille et de la communauté.

En ce qui a trait à l’exploitation minière, le leader paysan de la région a déclaré: «les mères quittent les poulets et la maison, les hommes quittent les jardins et les enfants ne veulent pas travailler la terre, mais passent à utiliser les machines. «D’ailleurs le profit des machines suffit pour boire, faire la fête et payer les prostituées ce qui brise la famille."

Si l’exploitation minière est artisanale, dit cet homme,  les communautés conservent leur forme d’organisation sociale . Par contre,  l’exploitation minière à moyenne échelle entraine une désintégration des organisations paysannes. Les gens vont derrière la machine, ne reviennent pas travailler la terre, accumulent de l’argent et partent à la ville ".

Cependant, il serait faux de stigmatiser l’exploitation minière à petite échelle, en particulier si l’on considère que «ce secteur représente une chance de survie pour environ 150 millions de personnes sur la planète Terre», a déclaré Cristina Echavarria Usher, une membre de l’Alliance pour le secteur minier responsable et consultante internationale sur les questions de communauté et d’exploitation minière à petite échelle.

Ces 150 millions de personnes engagées dans l’exploitation minière dans le monde appartiennent à des «communautés ancestrales, qui ont développé l’exploitation minière à petite échelle comme une activité traditionnelle. Il y a aussi des  personnes déplacées par le changement climatique, la guerre ou le manque de terres, qui n’ont pas d’autres alternatives que l’exploitation minière afin de survivre , a déclaré la consultante internationale pour  le forum «El Nuevo Dorado: expropriation et pauvreté», organisé par l’IPC.

Dans cette optique, Cristina Echavarria estime que «l’exploitation minière à petite échelle est le grand secteur minier sur le plan social», car selon elle, l’exploitation d’or a petite échelle produit 20% de la production mondiale. Ce type d’exploitation emploie 80% de la main-d’œuvre du secteur aurifère mondial.

Ce secteur informel, selon la conseillère, comprend les travailleurs les plus vulnérables et les plus instables. Parce que " ce sont des travailleurs qui migrent constamment qui sont un jour ici et un autre jour là-bas et s’occupent à plusieurs choses, certains jours ils sont des moissonneurs et les autres jours ils sont des mineurs."

Dans cette dualité, exploitation minière – agriculture, les agriculteurs qui peuplent les rives de la Trinidad se débattent. Certains tels Jahir gardent l’espoir de recevoir du soutien et de projets pour le développement agricole de la région, d’autres, cependant, commencent à se joindre à l’industrie minière, en travaillant comme ouvriers, en louant leurs terres ou en tant que  transporteur de personnel et de fournitures.

En abordant le bateau qui va  à Nechi, je réalise comment  le sort des agriculteurs est lié à l’eau, a la pêche, à la navigation et au commerce de leurs produits. Puis, je pense qu’il faut encourager un équilibre entre l’exploitation minière et l’agriculture, de sorte qu’après l’épuisement des ressources minérales, on ait des solutions de rechange pour assurer aux habitants des conditions de vie décente dans la campagne colombienne.

Depuis le bateau, je regarde à nouveau ce sentier d’eau sale qu’est devenu La Trinidad et je pense que dans ce domaine, comme dans d’autres régions minières du pays, le gouvernement, les entreprises et la société elle-même sont appelés à élaborer une stratégie pour l’exploitation minière responsable, ce qui est économiquement, socialement, écologiquement et culturellement durable, et qui inclut tous les niveaux de l’industrie.

 


[1] Nombre cambiado a petición de la fuente

[2] “Omar Franco, director de Recurso Hídrico del Ministerio de Ambiente, confirmó en RCN La Radio que los ríos y quebradas del Bajo Cauca de Antioquia son los que mayores niveles de contaminación por mercurio registran, como consecuencia de las explotaciones mineras, muchas de ellas ilegales. El descontrol de la minería en esa región, aumenta los problemas ambientales y sociales.” RCN La Radio, 2012, “Ríos del Bajo Cauca Antioqueño, los más contaminados por mercurio”, sección Nacional, sitio Web RCN Radio, actualizado a noviembre de 2012, disponible en: http://www.rcnradio.com/noticias/rios-del-bajo-cauca-antioqueno-los-mas-contaminados-de-colombia-por-mercurio-30553

[3] Defensoría Delegada para los Derechos Colectivos y del Ambiente, 2010, diciembre, “La minería de hecho en Colombia”, p.43, sitio Web Defensoría del Pueblo, disponible en Internet: http://www.defensoria.org.co/red/anexos/publicaciones/mineriaColombia.pdf acceso 10 de noviembre de 2012

[4] Marcello, VEIGA. PhD., Antioquia, Colombia:El lugar más contaminado con mercurio en el mundo: impresiones de dos visitas de campo” ONUDI. enero de 2010

[5] Defensoría Delegada para los Derechos Colectivos y del Ambiente, 2010, diciembre, “La minería de hecho en Colombia”, p.60, sitio Web Defensoría del Pueblo, disponible en Internet: http://www.defensoria.org.co/red/anexos/publicaciones/mineriaColombia.pdf acceso 10 de noviembre de 2012

[6] Gobernación de Antioquia, 2011, 07 de marzo, “Antioquia reporta reducción de contaminación por mercurio en la producción minera”, sitio Web Gobernación de Antioquia, disponible en Internet: http://www.antioquia.gov.co/index.php/noticias-2011-marzo/5130-antioquia-reporta-reduccion-de-contaminacion-por-mercurio-en-la-explotacion-minera acceso 05 marzo 2011

[7] s.a. 2013, 28 de enero, “El Cauca convertido en un río de mercurio”, sección Sincelejo, El Meridiano de Sucre, disponible en Internet: http://www.elmeridianodesucre.com.co/Sincelejo/el-cauca-convertido-en-un-rio-de-mercurio

[8] Ibídem.

[9] Mineros S.A. es la minera colombiana más grande del país, con 144.792 hectáreas de tierra concesionadas a través de 112 títulos de explotación. La compañía, que en el 2012 obtuvo una producción de 94.106 onzas de oro, concentra sus operaciones en dos frentes de minería aluvial y subterránea en los municipios El Bagre, Zaragoza y Nechí, Bajo Cauca Antioqueño. Sitio oficial Mineros S.A. http://www.mineros.com.co/es/informacion-corporativa/quienes-somos

[10] s.a. 2009, 12 de noviembre, “Las dos caras del oro”, sección Negocios, Revista Dinero, disponible en Internet: http://www.dinero.com/edicion-impresa/negocios/articulo/las-dos-caras-del-oro/88162

[11] Sitio oficial de Nechí, Antioquia. Ruta de enlace: Inicio > Nuestro municipio > Turismo > Sitios para visitar Disponible en: http://nechi-antioquia.gov.co/sitio.shtml?apc=mTxx-1-&m=s

 

Yhoban Camilo Hernandez Cifuentes
Periodista egresado de la Universidad de Antioquia. Candidato a Magister en Ciencia de la Información con Énfasis en Memoria y Sociedad, Escuela Interamericana de Bibliotecología de la UdeA. Coordinador de la Agencia de Prensa IPC entre 2012 y 2018. Actualmente periodista en Hacemos Memoria. Trabajando por esa Colombia excluida y vulnerada, por aquellos que no son escuchados y por la anhelada paz. Aficionado a la literatura, al rock, a las huertas y a las buenas películas.