La vérité sera clé dans l´accord pour la justice transitionnelle

L’annonce du 23 Septembre dernier, faite par le  gouvernement et les FARC depuis  La Havane(Cuba) sur la justice transitionnelle souligne clairement que dans le processus de paix en cours, l'accent est mis sur la réparation intégrale pour les victimes avec une composante de premier plan: la vérité.

Foto: EFE. L'accord prévoit la création des salles de justice et d´une Cour de la Paix, dont la fonction de base "est de mettre fin à l'impunité, dévoiler la vérité, contribuer à la réparation des victimes et de poursuivre et d'imposer des sanctions aux personnes responsables de crimes graves commis pendant le conflit armé, en particulier les plus graves et significatifs en garantissant la non-répétition".

Traduction Maria del Socorro Alzate S.

L’importance de l’accord est évidente. Le président de la Colombie, Juan Manuel Santos et le leader à la tête des FARC, Rodrigo Londoño Echeverri, alias «Timoléon Jimenez» ou «Timochenko», se sont rendus à Cuba pour faire l’annonce de ce qui était peut-être le thème le plus difficile de l´agenda de négociation: la justice transitionnelle. Par ailleurs, ils ont fixé un délai de six mois pour finaliser la signature de l’accord  final et 60 jours à compter de la signature de l’accord pour la remise des armes par les FARC.

Pour Diego Herrera Duque, président de l’Institut de Formation Populaire (IPC), l’accord représente une percée car «la justice transitionnelle cherche àfaire le pont entre la logique de guerre vers la logique de la paix et dans cette mesure, le thème de la justice doit être orientée pour assurer la transition, mais sur la base des garanties et des droits des victimes, et le tout dans le cadre international des droits humains et du droit international humanitaire».

Ce qu´annonce l’accord est la construction d’un système complet de vérité, de justice, de réparation et de non-répétition. Le système sera composé d’une Juridiction Spéciale pour la Paix, qui disposera de Salles de Justice et d´un Tribunal pour la Paix, tous deux composés des juges colombiens avec une présence minoritaire des juges  étrangers.

Dans ce cadre juridique, l´Etat sera en mesure d´octroyer  l’amnistie pour les crimes politiques et connexes, mais comme l’a dit le président Santos, lors d´un discours présidentiel, «il y a des crimes que ni la Constitution ni le droit international ni sur tout notre propre conscience, ne nous permettent d’amnistier ou de pardonner «.

Des crimes tels que les crimes contre l’humanité, crimes de guerre graves, les enlèvements, les exécutions extrajudiciaires, le génocide, les déplacements forcés, les disparitions forcées, la torture, la violence sexuelle et le recrutement forcé d’enfants seront étudiés, poursuivis et punis par la nouvelle juridiction, a ajouté le président.

Dans ce cas, le problème de la vérité devient plus important parce que ceux qui reconnaissent la vérité et avouent  leurs responsabilité pour les crimes commis ont des peines allant de 5á 8 ans de restriction effective de la liberté dans des conditions spécifiées; mais ceux qui ne la reconnaissent pas peuvent souffrir des peines allant jusqu’à20 ans de prison dans des conditions normales. La formule est simple: plus vous contribuez avec la vérité moins vous aurez de temps de prison.

La prison n’est pas  la seule forme de sanction

Quand il s´agit d´une restriction effective de la liberté pour ceux qui contribuent à la vérité et assument leur responsabilité, l’accord de justice transitionnelle concrétisé  à La Havane laisse entendre que la condamnation ne sera pas nécessairement purgée dans une prison; question qui génère de la polarisation essentiellement parmi les critiques du processus.

Nelson Camilo Sánchez, chercheur au Centre pour l’Etude de Droits, Justice et Société de l´organisation de  Justice, explique sur cette controverse que «aujourd’hui, nous utilisons la prison comme un reproche : envoyer un message, générer une punition ou causer de la douleur. Toutefois, nous devrions réfléchir pour savoir si la prison doit répondre ou pas à une telle fonction dans notre transition et je ne crois pas nécessairement que la prison soit la seule façon pour  nous de faire la justice. «

Ce qui est nécessaire dans ce processus de justice transitionnelle affirme Nelson Camilo, c´est d’avoir des mécanismes pour: l’individualisation, une voie publique pour admettre la responsabilité et la critique sociale.

Pour Sanchez la responsabilité individuelle de ceux qui ont participé au conflit,  «implique que ceux qui veulent les avantages, ou qui veulent que la société soit généreuse avec eux, doivent assumer la responsabilité.»

La mise en place d’une voie publique pour admettre la responsabilité est une question qu´implique à nouveau la vérité parce qu’elle «se réfère à un processus dans lequel la société peut voir la personne cherchant le pardon social, en se montrant publiquement et en avouant son délit. Dans certains cas, ça a eu lieu dans les commissions de vérité, dans d’autres, á travers des procès judiciaires «, a expliqué Nelson Camilo.

Commission de la vérité pour tous

Le Système Intégral de la Vérité, la Justice, la Réparation et la Non-Répétition, convenu à la table des négociations entre le gouvernement et les FARC confirme la création de la Commission pour la Clarification de la Vérité, de la Coexistence et Non-Répétition et annonce des «accords importants sur la réparation pour les victimes».

Dans son discours public de La Havane, le chef des FARC, alias «Timochenko», a parlé d’un grand jour de contrition en affirmant «qu´il est impératif que les autres parties au conflit, à la fois ceux qui ont combattu et ceux qui ont instigué la guerre depuis leurs  luxueux bureaux, aient le courage d´assumer leur responsabilité devant le peuple colombien, sans cacher un grain de vérité».

Le président de l´IPC, Diego Herrera, a noté que «si bien ont avait déjà parlé de la commission de la vérité, cette annonce à La Havane a fini par donner des dents à cela.» Et la chose la plus importante est que la question de la justice et de la vérité, concerne toutes les parties impliquées dans le conflit: l’insurrection, l’Etat, les paramilitaires et les autres acteurs de la société.

Cela, dit le président de l’IPC supprime une distorsion très forte qui a été généré à partir d’opposants au processus, comme quoi la paix sera signé avec impunité. Avec ce système de justice, «cette position reste sans fondement et envoie le message à la société qu’effectivement il n’y aura pas d’impunité et qu’il y aura des mécanismes de taxation des personnes en respectant les mécanismes de vérité et de réparations aux victimes. «

Le président Santos, a été catégorique en disant que ce système n’est pas exclusif aux FARC,  les membres de l’État surtout ceux des forces de sécurité, qui ont commis des infractions tout en participant au conflit, peuvent être soumis á cette justice transitionnelle. «Comme j´ai toujours dis aux hommes et aux femmes de nos forces armées, il n’y a aucune possibilité de traitement spécial de la justice pour les FARC s’il n´y pas á même temps, un traitement qui peut être différenciée mais simultanée, équitable et symétrique, pour nos militaires et membres de la police».

On peut dire que si la signature de l’accord final entre le gouvernement et l’insurrection a lieu, toute la Colombie sera témoin de plus qu´un processus de justice transitionnelle ; d´un processus de dévoilement de la vérité sur ce qui est arrivé dans ce pays où le conflit armé a duré pendant plus d’un demi-siècle.